En regardant les pastels de Claude Bauret Allard, on est convié au voyage.

Voyage intérieur - voyage rêvé - voyage réel. Car il s'agit d'espace, de lumière, de mouvement, mais aussi de lieu hors de la carte, de moment intemporel.

Si la source d'inspiration est figurative, la représentation n'est nullement anecdotique. Le sujet est transcendé en cours de route pour ne plus être que peinture, émotion, vibration.

Le pastel, par la subtilité de ses couleurs et de sa matière sert parfaitement ce projet. Les pigments purs non altérés par le médium de l'huile ou de l'acrylique, denses par nature, sont posés vivants, encore vibrants comme sur l'aile du papillon, immuables, inaltérables.

Les œuvres de grands peintres du passé nous ont déjà appris à voir et à reconnaître cette lumière spécifique au pastel; celles de Claude Bauret Allard, à leur instar, nous emportent dans la jubilation de la couleur. La lumière qui en émane, en est le sujet même : les flammes des grands feux, les soleils voilés, l'éclat mouvant des champs ou des rémanences, espaces vibrants. Le regard s'y promène solitaire et n'y rencontre âme qui vive - le propos n'est pas la nature où l'homme pourrait être présent ou absent - il est l'espace absolu, celui d'une seconde et de toujours, celui que l'on ressent en soi comme entité, comme élément fécond ou menaçant.

C'est le jeu de forces entre la peinture, utilisant avec joie, puissance ou réserve les pastels aux couleurs si diverses, tantôt violentes comme ces rouges purs ou ces bleus intenses, et parfois d'une tendresse inégalable aux noms imagés comme dans un livre de Claude Simon : vert amande, rose amarante, terre d'Avignon ou de Cassel, ou jaune citron tout simplement - ce jeu de force donc, entre la peinture et la chose à dire, celle ressentie, qui fait appel à tout ce qu'est le peintre, son regard, ses émotions, ses pensées les plus profondes, conscientes ou non - c'est ce jeu qui fait le tableau.

Celui qui regarde la peinture de Claude Bauret Allard est d'abord attiré par son aspect esthétique puis peu à peu il voit l'espace s'animer, de calme et silencieux, discret même parfois, devenir mouvant, menaçant, le feu semble attisé, les nuages fuient poussés par le vent, l'eau de la rivière coule, les émotions affleurent, le voyage commence...

- Yves Kantarow, Galerie Charles Sablon, 1989

Pastel / Lumière et vibration